Ils sont plus de deux mille et je ne vois qu’eux deux
La pluie les a soudés, semble-t-il, l’un à l’autre
Ils sont plus de deux mille et je ne vois qu’eux deux
Et je les sais qui parlent
Il doit lui dire « Je t’aime! », elle doit lui dire « Je t’aime! »
Je crois qu’ils sont en train de ne rien se promettre
Ces deux-là sont trop maigres pour être malhonnêtes
Ils sont plus de deux mille et je ne vois qu’eux deux
Et brusquement, il pleure, il pleure à gros bouillons
Tout entourés qu’ils sont d’adipeux en sueur
Et de bouffeurs d’espoir qui les montrent du nez
Mais ces deux déchirés superbes de chagrin
Abandonnent aux chiens l’exploit de les juger
La vie ne fait pas de cadeau et nom de Dieu c’est triste
Orly, le dimanche, avec ou sans Bécaud!
Et maintenant, ils pleurent, je veux dire tous les deux
Tout à l’heure c’était lui lorsque je disais « il »
Tout encastrés qu’ils sont, ils n’entendent plus rien
Que les sanglots de l’autre et puis, et puis infiniment
Comme deux corps qui prient infiniment, lentement
Ces deux corps se séparent et en se séparant
Ces deux corps se déchirent et je vous jure qu’ils crient
Et puis, ils se reprennent, redeviennent un seul
Redeviennent le feu et puis, se redéchirent
Se tiennent par les yeux et puis, en reculant
Comme la mer se retire, il consomme l’adieu
Il bave quelques mots, agite une vague main
Et brusquement, il fuit, fuit sans se retourner
Et puis, il disparaît, bouffé par l’escalier
La vie ne fait pas de cadeau et nom de Dieu c’est triste
Orly, le dimanche, avec ou sans Bécaud!
Et puis, il disparaît, bouffé par l’escalier
Et elle, elle reste là, cœur en croix, bouche ouverte
Sans un cri, sans un mot, elle connaît sa mort
Elle vient de la croiser, voilà qu’elle se retourne
Et se retourne encore, ses bras vont jusqu’à terre
Ça y est! Elle a mille ans, la porte est refermée
La voilà sans lumière, elle tourne sur elle-même
Et déjà elle sait qu’elle tournera toujours
Elle a perdu des hommes mais là, elle perd l’amour
L’amour le lui a dit, revoilà l’inutile
Elle vivra de projets qui ne feront qu’attendre
La revoilà fragile avant que d’être à vendre
Je suis là, je la suis, je n’ose rien pour elle
Que la foule grignote comme un quelconque fruit.
Paroles & Musique: Jacques Brel
1 Comment
Voilà, j’ai fini par retrouver ce titre. Ce que j’aime quand j’écoute le « Granf Jacques » comme il prenait plaisir à s’appeler, c’est qu’on est pris par l’histoire, il y met des détails poignants. Et puis si vous analysez par le détail, jamais vous ne diriez que quelqu’un fait qq chose comme la foule grignote un fruit. En mùême temps, c’est si attendrissant et évocateur…