Le nord a perdu ma boussole
L’aiguille mollusque s’affole
Mon ciel tourbillonne, flageole
L’improbable gravité
Fond ou plafond ou murs se touchent
Ils fondent sur moi
Je m’y couche avec l’ivresse d’une mouche
En mal de verticalité
Les jours sont des nuits qui reculent
La lune esquisse une virgule
Sur une page funambule
D’un cahier à petits barreaux
Entre six murs et la paillasse
Demain, ce jour à face ou face
Ce n’est pas vrai que le temps passe
Quand l’horloge triche au carreau
Entre six murs gris qui basculent
M’étouffent qui me bousculent
Je me consume je me brûle
Mes ongles déchirent mes mains
Une fille se déshabille
Ses yeux, ses seins lancent des billes
Sur le graffiti qui vacille
Perdu comme un cri de gamin
Gamin, je n’étais pas bien sage
J’avais le mal pour seul bagage
J’en ai versé sur mon passage
Des gens bien m’ont arraisonné
Dans la nuit le cafard clapote
Sur le mitard qui me grignote
Ici à l’ombre, je paye la note
Entre six murs, je suis cerné
Le temps, c’est ni fait ni à faire
Une heure, un an la belle affaire
On n’a pas l’âge des artères
Lorsque le sang reste figé
Le cœur inutile se vide
La peau n’espère que des rides
Le corps oublie d’être valide
Le miroir est un étranger
Au début, j’avais des visites
L’amour sans amour ça va vite
On s’accroche un peu, on hésite
Et puis la vie fait son boulot
Alice ne vient plus me voir
Je ne peux pas lui en vouloir
C’est pas trois mots dans un parloir
Qui vous rendent les draps plus chauds
Croyez pas qu’on décalamine
Comme un moteur, un cœur en ruine
Et puis qu’on le repasse aux mines
Avec le compteur à zéro
Quand on a laissé sur la route
Quelques blessés leur mal s’ajoute
Leur peine suinte goutte à goutte
A leurs veines pas de garrot
Un jour on poussera la lourde
Je traînerais mes ailes gourdes
Avec le déchu dans la rue sourde
Plombé d’un fardeau de remords
Je saurai pas purger leur peine
Lorsque j’aurai purgé la mienne
On peut pas faire la moyenne
Mauvaise graine et arbre mort
Voir par la fenêtre d’Alice
Sa silhouette qui se glisse
Guetter le sublime supplice
Sous la lampe tremble et s’éteint
On veille sans plus rien attendre
De la vie de cette heure tendre
Le soleil viendra surprendre
Ce rideau de petit matin
Paroles: Bernard Joyet
Musique: Bernard Joyet/Nathalie Miravette