Six mètres, plus que six mètres
Pour couper la ligne d’arrivée
Gerber enfin dans le trophée
La pilule amère de la gloire
Payer l’impôt de la victoire
Six mètres, rien que six mètres
Le corps crucifié au guidon
Dans les reins, les crocs du peloton
Casser la roue de l’infortune
Et le sourire pour la une
– Six mètres, juste six mètres
Poing levé, et point à la ligne
Brandissant le bouquet d’épines
Craquer pour croquer le ruban
Avec la rage, avec les dents
– Cinq mètres ! Les plus longs !
Cinq mètres !
Cracher, tituber sur la route
Vaciller au doute à goutte
Au dernier lacet étrangleur
Boire la coupe jusqu’à la sueur
– Deux mètres !
Et puis le dernier mètre
Et soudain, l’envie de plus rien
– Ou juste de bloquer les freins
L’envie de faire sauter la chaîne
D’une overdose d’oxygène
– Déserter à vingt centimètres
À vingt centimètres du fil
Se fondre et regarder la file
– Des autres qui passent devant
Les applaudir, le nez au vent
Refuser le prix de l’effort
D’être le plus beau, le plus fort
– Et puis s’y mettre,
Mais s’y mettre tous !
Ni dieux devant, ni chiens aux trousses
– S’y mettre !
S’y mettre tous et plus de maître
Que le désir d’être et renaître
Se redresser, lever la jambe
– Être ensemble
Vainqueurs, tous ensemble
– Des millions de prem’s ex aequo
– Millions de champions illégaux
Ensemble, escalader les marches
Tous ensemble, passer sous l’arche
– S’y mettre, plus qu’à s’y mettre
Plus qu’à s’y mettre…
Texte: Allain Leprest – Olivia Ruiz et Christian Olivier