Richard Desjardins – Aubercail, Festival des mots dits, 23 mai 2013.

thumbnail






    Va t'en pas

    Quand j´étais sur la terre

    Sous-locataire

    D´un kilo de futur

    Des monsieurs incomplets-vestion

    M´ont invité à une grande déception

     

    Maintenant je ne pleure plus

    Je ramasse des vies

    Pour le jour J

    Et dans mon cœur-bunker

    Je frappe monnaie à ton effigie

     

    Va-t´en pas

    Dehors les chemins sont coulants

    Les serments de rosée

    Va-t´en pas

    Dehors y a des silences bondés

    D´autobus tombés sur le dos

     

    Et vaniteux qu´ils sont

    Aux bouquets de clés

    Aux bijoux de panique

    Ils vont t´asseoir dans un bureau

    Pendant qu´ici il fait beau

     

    Ils perceront l´écran

    Pour t´offrir une carrière

    Où noyer ton enfant

    " Ils briseront les lois

    Les cadenas et les os "

     

    Va-t´en pas

    Dehors y a des orgies d´ennui

    Jusqu´au fond des batteries

    Va-t´en pas

    Dehors j´ai vu un ciel si dur

    Que tombaient les oiseaux

     

    Tu sais que je lis

    Sous les robes du temps

    Et dans les lignes du ciment

    Toi tu as des yeux

    Qui trahissent le sort

    Tu mérites l´amour

     

    Maintenant que tu vois

    Tout ce qui n´existe pas

    Et si tu veux venir

    Neptune me guide

    Où j´ai semé des larmes

    Mes armes sont en fleurs

     

    Va-t´en pas

    Moi j´ai tant d´amis

    Je peux pas les compter

    Va-t´en pas

    J´ai autant d´amis

    Que mille Mexico

    Va-t´en pas

    Nataq

    Toi, tu es ce soleil aveuglant les étoiles ;

    Quand tu parles au mourant sa douleur est si douce.

    Pour trouver le ravage et tuer l'animal,

    Pour trouver le refuge tu es mieux que nous tous,

    Nataq.

    Je dis que je ne peux rêver la vie sans toi.

    J'ai la mémoire des eaux où je me suis baignée.

    Maintenant que tu vis, que je rêve à la fois,

    Tout mon être voudrait que tu sois le dernier,

    Nataq.

    Mais je ne veux pas mourir sur ce rocher accore

    A la vue des autres, abusée par les dieux.

    Il n'y a pas de fleurs pour jeter sur mon corps,

    Et qui donc frappera le tambour de l'adieu ?

    Je te le redis, je te suivrai dans la fosse,

    Mais je veux de la terre, ô Nataq, tu m'entends !

    Si cela te convient, si la vie nous exauce,

    Nous serons ensemble jusqu'à la fin des temps.

    Mais je suis si inquiète, la lumlère retarde

    Un peu plus chaque jour, ton silence m'opprime.

     

    Ouvre les yeux et vois que les loups nous regardent,

    Ils ont déjà choisi le moment, la victime.

    Et voilà que s'échappe dans ce ciel obscurci

    Le souffle du chaman étranglé de remords.

    Vois ! il tremble de peur et ses doigts sont noircis,

    Et pendant que je t'aime, il appelle la mort.

    Si la mort se hasarde où s'achève le monde

    Sois certain qu'elle ne viendra pas que pour lui ;

    Cachons bien nos blessures, elle s'en vient pour le nombre.

     

    Ô Nataq bien-aîmé, moi, mon coeur a conclu,

    Moi, je meurs de mourir dans ce funeste camp.

    Oui, nous sommes perdus comme nul ne le fut,

    Oui, nous sommes perdus mains encore vivants.

    Ouvre les yeux et vois cette nuée d'oiseaux

    A l'assaut de la mer inconnue, où vont-ils ?

    Moi je dis que là-bas il y a des roseaux ;

    Allons voir, allons voir ; je devine des îles

    Où le jour se lève, me nourrit et se couche,

    Sur des plumes divines et des cavernes sûres.

    Il y aura de l'eau chaude comme ta bouche

    Pour accoucher la fille et fermer sa blessure.

    A ton signe, à ta voix, recueillis sous tes lances,

    Des troupeaux de bisons réclamant sacrifices,

    Et quand éclatera la lune d'abondance,

    Des orages de fruits pour que vive ton fils.

    Ton destin est le mien, nous ne mangerons plus ;

    Nous irons frayer aux savanes intérieures,

    Et tu t'enflammeras mon désir pur et nu ;

    Que je hurle ta joie, que tu craches mon coeur.

    Et si par miracle nos prières parviennent

    A calmer ces dieux fous que ta douleur fascine,

    Je n'accepterai pas que l'un d'eux me ramène

    Où j'ai pleuré du sable et mangé des racines.

    Je ne retourne pas sur les lieux anciens,

    Sous les lois de guerriers débouchant aux clairières,

    La mémoire brûlée, le flambeau à la main ;

    S'il me faut retourner, je retourne à la mer.

    Je suis jeune, Nataq, comme un faon dans l'aurore,

    Et la vie veut de moi et voudrait que tu viennes ;

    Réveillons la horde, je l'entends qui l'implore ;

    Attachons les épaves aux vessies des baleines.

    Nous serons les premiers à goûter aux amandes ;

    Traversons, traversons, amenons qui le veut.

    Aime-moi ! >>Aide-moi ! Mon ventre veut fendre.

    Je suis pleine, Nataq, il me faudra du feu.


     

     

    Laisser un commentaire